Procès sur le gaz de schiste : une famille texane obtient 3 millions de dollars d’indemnités

Publié le par collectif anti-gaz de schiste des Arcs sur Argens

C'est une victoire qui fera date dans le dossier éminemment polémique du gaz de schiste. Après trois ans de bataille judiciaire, une famille du Texas a remporté son procès contre la compagnie pétrolière américaine Aruba Petroleum, qui a foré des puits près de son ranch, entraînant selon elle une détérioration de sa santé et de celle de ses animaux. L'entreprise a été condamnée, le 22 avril, à lui payer 2,95 millions de dollars de dommages et intérêts. Si des riverains avaient déjà poursuivi des énergéticiens et obtenu des accords à l'amiable, cette affaire constitue lepremier verdict d'un jury sur la fracturation hydraulique aux Etats-Unis.

 

Selon le jury de Dallas, composé de six personnes, Aruba Petroleum "a intentionnellement créé une nuisance privée" via ses activités de forage et de production sur ses 22 puits de gaz situés à proximité de la propriété de Bob et Lisa Parr, dans le comté de Wise, dans le nord du Texas, entre 2008 et 2011. Huit des puits ont été forés à moins d'un mile (1,6 km) de la propriété des Parr, et quatorze à moins de 2 miles (3,2 km).

La condamnation du jury inclut 2 millions de dollars pour les souffrances physiques passées endurées par Bob et Lisa Parr et leur fille, 250 000 dollars pour celles à venir, 400 000 dollars pour les souffrances psychologiques et 275 000  dollars pour la dévaluation de la valeur de leur propriété.

"Ils sont soulagés, écrit leur avocat David Matthews sur son blog. Je suis vraiment fier de ce que cette famille qui a su dire : "Ça suffit". Cela demande du courage de dire : "Je vais tenir bon et protéger ma famille de cette invasion qui contredit nos droits à jouir de notre propriété". Il n'est pas facile de passer par un procès et d'avoir votre vie personnelle découverte et exposée de la sorte."

La compagnie pétrolière a annoncé, de son côté, son intention de faire appel. Elle a fait valoir qu'elle avait réalisé ses forages en respectant les normes de qualité de l'air et de sûreté des installations. Elle a en outre rappelé qu'il existe des dizaines de forages dans la région, et qu'il est donc difficile de dire quelle entreprise est responsable des problèmes de santé rencontrés par la famille. De fait, Robert et Lisa Parr ont à l'origine poursuivi, en septembre 2011, huit autres pétroliers en plus d'Auruba Petroleum. Mais ces autres procédures ont été écartées par le juge ou réglées à l'amiable, explique le site StateImpact.

Seule la procédure engagée à l'encontre d'Aruba Petroleum est arrivée à son terme. Depuis 2008, le pétrolier forait des puits près de leur propriété, située dans le périmètre du champ du Barnett Shale, l'un des plus vastes et des plus productifs du pays. Or, la seule technique qui existe à ce jour pour extraire et exploiter les hydrocarbures non conventionnels consiste à injecter à grande profondeur et à forte pression des millions de litres d'eau additionnés à du sable et à des centaines de produits chimiques. Une grande quantité de ces fluides reste sous terre, ou se retrouve stockée dans des bassins, évaporée ou rejetée dans les rivières.

Peu après le début des forages, Lisa Parr, 45 ans, s'est plainte d'une respiration difficile, ainsi que de nausées et de maux de tête. Bob, 53 ans, a signalé, comme l'indique la requête des plaignants, saigner du nez près de trois fois par semaine, soit bien plus que dans le reste de sa vie. Quant à Emma, 11 ans, elle était également prise de saignements de nez, ainsi que de nausées et d'éruptions cutanées. Leurs veaux sont également nés avec des malformations congénitales, et leurs animaux de compagnie ont commencé à mourir. Des maux qui ont obligé les Parr à fuir leur maison pendant plusieurs mois.

Si de nombreux documentaires, et en premier lieu Gasland, ont dénoncé les risques du gaz de schiste pour l'environnement et la santé, l'impact sanitaire de l'exploitation de cet hydrocarbure non conventionnel n'a toujours pas été précisément évalué et quantifié. Trois chercheurs américains ont passé au crible l’ensemble des travaux publiés ces dernières années sur le sujet. Le résultat de cette synthèse, publiée le 16 avril dans la revue Environmental Health Perspectives, dresse un état des lieux paradoxal : "Il y a des preuves de risques potentiels pour la santé publique dus au développement du gaz de schiste", écrivent Seth Shonkoff (université de Californie à Berkeley) et ses coauteurs, tout en notant un manque criant d’études épidémiologiques qui permettraient de sortir du doute sur leur réalité et l’ampleur de ces risques potentiels.

Parmi les causes d'inquiétude : les adjuvants utilisés dans les fluides de fracturation (dont certains sont cancérogènes ou des perturbateurs endocriniens), la contamination de l'eau (notamment à cause du méthane) et la pollution de l'air (le forage fait remonter des polluants tels que le benzène, le toluène, le xylène ou le formaldéhyde).

Cette question sanitaire est d’autant plus sensible que le boom du gaz de schiste place un nombre croissant d’Américains à proximité d’installations gazières. Selon lacartographie des puits dans onze Etats réalisée en octobre par le Wall Street Journal, 15,3 millions d’Américains (soit autant que la population de New York) vivent à moins d’un kilomètre et demi d’un puits. Dans le seul Etat du Colorado, 12 000 points de forage sont situés à moins de 300 mètres d’habitations ou de lieux de vie.

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