L'industrie pétrolière engluée dans les prix bas

Publié le par collectif anti-gaz de schiste des Arcs sur Argens

Le baril est retombé à moins de 40 dollars, ruinant les espoirs d'une remontée rapide des cours

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... Au printemps, toute la profession a respiré lorsque les cours du baril, tombés en février à moins de 30 dollars, leur plus bas niveau depuis douze ans, sont repartis vigoureusement à la hausse, au point de doubler en quelques mois. A présent, l'inquiétude prévaut de nouveau. Depuis leur sommet du début juin, les prix à terme de l'or noir ont reperdu 25 %. Mardi, le West Texas International (WTI), le baril de brut américain de référence, s'est échangé en séance à 39,26 dollars à New York pour livraison en septembre, son plus bas niveau depuis avril, tandis que le brent européen cotait 41,51 dollars. Et si cette rechute était durable ?

" Certains analystes pensent que la période de prix du pétrole bas va être longue, comme dans le passé de 1960 à 1973, puis de 1986 à 1998 ", relatent les experts de Natixis dans une note publiée le 1er août, sans souscrire à cette thèse. ... Trois pas en avant, deux pas en arrière. Le baril pourrait ainsi plafonner autour de 50 dollars pendant des mois ou des années. Au moins jusqu'à la fin 2017. Et plus longtemps si l'essor de la voiture électrique prive le pétrole d'une partie de ses débouchés.

... Les hoquets des derniers mois correspondent assez bien à cette analyse. Malgré l'échec des tentatives d'accord entre grands pays producteurs pour réduire l'offre, les prix ont nettement rebondi de mars à juin. Le résultat, en partie, d'une accumulation de facteurs exceptionnels qui ont perturbé la production mondiale : entre les grèves au Koweït, les incendies au Canada et les incidents au Nigeria, elle a été réduite de 3,7 millions de barils par jour en mai.

En juin, le retour à la normale s'est révélé violent. Une sorte de " choc d'offre ", selon Natixis. De quoi mieux comprendre la baisse actuelle des prix. D'autant que l'afflux de brut n'est pas fini : la Libye s'apprête à reprendre ses exportations...

Autre élément d'explication de la déprime des cours : " le début de reprise des prix a incité les industriels américains à creuser de nouveau des puits au lieu d'en fermer ",souligne Alexandre Andlauer, spécialiste du pétrole chez Alphavalue. Cela a freiné la baisse de la production sur place. Certains s'attendent déjà à ce qu'elle rebondisse sous peu.

En décidant de réduire ses tarifs officiels pour les consommateurs asiatiques de 1,30 dollar par baril à compter de septembre, l'Arabie saoudite ne montre-t-elle pas qu'elle a pris acte de cet excédent persistant d'offre et table sur une nouvelle guerre des prix ? ...

Contrairement à ce qui s'était produit dans les années 1980, la consommation mondiale de pétrole continue en effet à progresser assez régulièrement, de l'ordre de 2 % par an. Un mouvement tiré par les émergents. La production mondiale, elle, s'est calmée, en particulier aux Etats-Unis, où de nombreux gisements de pétrole de schiste, trop coûteux, ont été arrêtés.

Surtout, les compagnies pétrolières ont taillé dans leurs investissements comme jamais. D'innombrables projets ont été abandonnés ou reportés....

Seule certitude : aux cours actuels, les grandes compagnies qui dominent le monde du pétrole ne peuvent pas tenir. " Elles ont besoin d'un baril à 55 dollars pour survivre, et à 75 dollars pour être à l'aise ", résume l'analyste Fadel Gheit, d'Oppenheimer. Les résultats publiés ces derniers jours en portent la trace. Au deuxième trimestre, les profits du leader mondial Exxon sont tombés à leur plus bas niveau depuis 1999. Shell et BP ont également affiché des performances bien inférieures aux attentes. Total a limité la casse avec un bénéfice net en repli de 30 %, tandis que Chevron et l'italien ENI essuyaient de fortes pertes. Globalement, les " majors " ne dégagent plus assez de trésorerie pour couvrir leurs investissements et le paiement des dividendes. Autant dire que, même si les prix se réveillent, le secteur n'en a pas fini avec les mesures d'austérité.

Denis Cosnard

Extraits du Monde du 4 août 2016

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