Londres veut débloquer l'exploitation des gaz de schiste

Publié le par collectif anti-gaz de schiste des Arcs sur Argens

Vingt-sept nouvelles licences ont été attribuées par le gouvernement britannique, malgré l'opposition de la population

Le gouvernement britannique veut accélérer l'exploration du gaz de schiste. Frustré par les nombreuses difficultés rencontrées jusqu'à présent, si bien qu'aucun forage n'est en cours depuis trois ans, il multiplie les coups de pouce pour tenter de lancer cette industrie.

Mardi 18 août, il a accordé 27 licences d'exploration supplémentaires, essentiellement dans le nord de l'Angleterre : 2 700 kilomètres carrés qui peuvent potentiellement être forés, en utilisant la technique controversée et polluante de la fracturation hydrau-lique. Engie (ex-GDF Suez) et Total font partie des entreprises qui en bénéficient. Cent trente-deux autres licences sont à l'étude et une attribution est attendue d'ici à la fin de l'année.

Cette décision fait suite à l'annonce, le 12 août, de mesures d'accélération des procédures d'autorisation pour les forages. Furieux contre les collectivités locales qui prennent souvent plus d'un an pour accorder leur feu vert, nécessaire en plus des licences, le -gouvernement britannique entend se saisir de tous les dossiers qui dépassent quatre mois. Selon le ministère de l'énergie, le gaz de schiste est une " priorité -nationale ".

" Il faut que l'on avance ", explique Nicholas Bourne, le sous-secrétaire d'Etat à l'énergie. Selon lui, cette ressource est indispensable. " Garder les lumières allumées et fournir de l'énergie à notre économie ne sont pas négociables. "

Politiquement explosif

Voilà des années que David Cameron, le premier ministre britannique, vante le gaz de schiste. Il rêve de connaître au Royaume-Uni une révolution similaire à celle des Etats-Unis, où les prix des -hydrocarbures se sont effondrés et où l'indépendance énergétique est à portée. Pourtant, depuis 2012, c'est la panne sèche.

Pour l'industrie, les problèmes ont commencé avec une série de petites secousses sismiques au printemps 2011 près de Blackpool, dans le nord-ouest du pays. En cause : la fracturation hydrau-lique utilisée dans un forage d'exploration par l'entreprise britannique Cuadrilla. L'année suivante, un moratoire a été instauré en attendant d'en savoir plus.

S'il a rapidement été levé, après l'imposition de quelques mesures de précaution supplémentaires, un virage psychologique a été pris. Quand une autorisation de forage a été demandée en 2013 à Balcombe, dans les prospères campagnes du sud de l'Angleterre, toujours par Cuadrilla, la population s'y est massivement opposée. Une coalition hétéroclite de conservateurs inquiets pour leurpaysage et de militants écolo-gistes s'est formée pour bloquer le projet.

Désormais, le sujet est politiquement explosif. Les opposants au gaz de schiste sont passés de 29 % à 43 % en dix-huit mois au Royaume-Uni, tandis que seuls 32 % des personnes sondés se disent en sa faveur. Fin juin, les partisans de la fracturation hydraulique ont essuyé un nouveau revers. Le comté du Lancashire a surpris tout le monde en rejetant une demande de forage, une nouvelle fois provenant de Cuadrilla, en raison du bruit et de l'impact visuel des travaux qui en découleraient. Pourtant, son -comité -technique s'était prononcé favorablement.

Réserves énormes

Les compagnies pétrolières n'ont cependant pas dit leur dernier mot. " Nous sommes prêts à patienter quelques années si c'est le temps nécessaire pour convaincre ",confie une source d'une multinationale pétrolière. Une bonne douzaine d'entreprises mènent actuellement des études préparatoires en vue d'exploiter du gaz de schiste au Royaume-Uni.

Ineos, un groupe pétrochimique britannique – basé en Suisse pour des raisons fiscales –, est l'une d'entre elles. Il a obtenu trois licences supplémentaires mercredi et espère commencer ses -forages dès 2016. " C'est vrai que ça a été difficile, mais les récentes annonces du gouvernement montrent qu'on a passé un cap ", veut croire Patrick Erwin, son directeur commercial. Total, qui est un partenaire sur plusieurs projets, vise lui aussi un forage dès 2016 et un début de production en 2018.

Si les entreprises restent mobilisées, c'est que les réserves sont potentiellement énormes. Le Bowland, un bassin géologique au nord de l'Angleterre, renfermerait à lui seul 38 000 milliards de mètres cubes de gaz de schiste. Même si seulement 10 % pouvaient être exploités (l'estimation des entreprises), cela resterait suffisant pour fournir quarante années de consommation de gaz à l'ensemble du pays.

Ces statistiques ne sont pas fiables et il faudra attendre les premiers forages pour les vérifier, mais elles font rêver le gouvernement britannique, qui œuvre de toutes ses forces à débloquer la -situation. De quoi provoquer la colère des opposants : " C'est le coup d'envoi d'une lutte pour l'avenir de nos campagnes, estime Daisy Sands, de Greenpeace. Des centaines de batailles vont apparaître à travers le pays pour défendre les paysages ruraux de la pollution, du bruit et des derricks. "

Eric Albert

Le Monde du 21 août 2015

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